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Dans la fleur de l'âge

Et si on parlait d’âge et de danse !

Jusqu’à quel âge danse-t-on ? Qu’est-ce que c’est être âgé ? À quel âge considère-t’on qu’un·e danseur·euse est vieux·vieille ? Qu’est-ce que l’âge produit sur la danse ?

Dans la culture occidentale, âge et danse n’ont pas toujours fait bon ménage. Le champ de la danse, n’échappe pas, lui non plus, au diktat de la jeunesse. Néanmoins, certain·e·s artistes interrogent la question de la vieillesse dans la danse et s’en emparent dans leur travail.Le rapport intime à l’âge est avant tout culturel et témoigne de réalités distinctes dans la manière de considérer le passage du temps sur le corps, l’expérience et les techniques d’un·e danseur·euse.

De l’invisibilisation des corps âgés des interprètes aux limites du corps, de la mémoire à la transmission, de l’intime à la filiation, de nombreux·ses chorégraphes et artistes ont travaillé sur la question du corps et de son évolution dans le temps. Qu’il soit engagement politique, reflet d’une communauté ou hommage, etc., l’âge agit sur la danse.

Ce mois-ci, Danse on air tente de porter regard attentif sur ce phénomène.

Visuel © Cécile Proust et Jacques Hoepffner
OBJET DE DANSE #8 Ce que l’âge apporte à la danse #résonances par Cécile Proust et Jacques Hœpffner

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Sur les scènes, la plupart des artistes chorégraphiques disparaissent au fur et à mesure que leur âge avance. Dans Ce que l’âge apporte à la danse, Cécile Proust rencontre, interroge et filme des chorégraphes qui ont résisté à cet effacement et dansent après 70 ans. Ces artistes pratiquent divers styles de danse sur de multiples scènes et dans différentes aires géographiques.

En complicité avec le vidéaste Jacques Hœpffner, ce nouvel opus du projet, Ce que l’âge apporte à la danse #résonances, présente les entretiens réalisés avec Susan Buirge, Malavika, Elisabeth Schwartz et Elsa Wolliaston, qui parlent et dansent dans des lieux de nature, incandescentes.

Si seule la poétique du geste jeune est valorisée, la danse est amputée à d’autres poétiques. Ce que l’âge apporte à la danse, est un projet qui demande aux artistes ce qu’ils et elles mettent en jeu d’un point de vue perceptif, kinesthésique et artistique pour faire vivre d’autres poétiques du geste. Ouvrir à d’autres registres de perceptions ainsi qu’au geste politique.

+ En savoir plus sur le projet

Trésor vivant, Yachiyo Inoué IV, danseuse de Jiuta maï, avait 90 ans lorsque, résidente de la villa Kujoyama à Kyoto, je travaillais avec elle. Sa puissance retenue, la justesse ciselée de ses gestes m’ont profondément bouleversée. Durant mon séjour à la Kathak Kendra de Dehli, des danseuses âgées m’ont éblouie.
La danse libre du début du XXe siècle, célèbre toutes les étapes de la vie et les danses rituelles ne sont pas effrayées par la maturité.

Pour Ce que l’âge apporte à la danse, je me suis entretenue avec Germaine Accogny, Malou Airaudo, Odile Azagury, Dominique Boivin, Susan Buirge, Dominique Dupuy, Françoise Dupuy-Michaud, Jean Guizerix, Malavika, Jean Rochereau, La Tati, Thierry Thieû Niang, Elisabeth Schwartz, Elsa Wolliaston.

Avec le vidéaste Jacques Hœpffner, nous avons choisi de filmer ces artistes dans leur lieu de travail et dans des lieux de nature. J’ai désiré aussi m’entourer de la dynamique intellectuelle d’un comité scientifique constitué de Anne Décoret-Ahiha, anthropologue ; Pauline Boivineau, historienne (UCO) ; Barbara Formis, philosophe de l’art (Sorbonne) ; Isabelle Ginot, professeure en danse et praticienne Feldenkrais (Paris VIII) et Juliette Rennes, sociologue (EHESS).

La position vis-à-vis de l’âge, du passage du temps et des expériences du corps diffère grandement selon les cultures, les esthétiques, les techniques de danse et la place des artistes dans une société donnée.
L’approche singulière de ce projet s’ancre dans ce qui a fondé mon histoire personnelle avec certaines danses – la danse classique, les danses contemporaines et post moderne en Europe et aux États-Unis mais aussi des danses qui sont essentiellement dansées par des femmes : la danse Raqs el sharqi au Proche-Orient et au Maghreb, le Jiuta maï au Japon ou encore des danses qui ont des spécificités particulières selon le genre de l’interprète : le Flamenco et le Kathak d’Inde du Nord.
Dans la jeunesse, la virtuosité est souvent extériorisée ; avec l’âge, cette virtuosité ne diminue pas mais s’intériorise. C’est ce passage d’une vibration à fleur de peau à une vibrante intériorité qui m’a, de nombreuses fois, frappée. Avec l’âge, les gestes ont moins besoin d’être jetés, telle une poudre, aux yeux du public. Ils se condensent, emplissant le corps de l’artiste et n’ont plus besoin de preuves gesticulaires pour apparaître. C’est cette quintessence de mouvements qui fait vibrer à son tour le public.

+ En savoir plus sur Cécile Proust

Cécile Proust est chorégraphe, danseuse et chercheuse, diplômée de l’école des Arts Politiques créé par Bruno Latour à SciencesPo Paris. Ses œuvres interrogent la fabrique des corps, des genres, des âges et des images. Elles croisent des champs théoriques dont les gender studies et la géopolitique.

Des chorégraphies et des vidéos en collaboration avec Jacques Hœpffner sont créées au sein du projet international femmeuses dont elle est la directrice artistique.
Auparavant, Cécile Proust collabore à l’émergence de la nouvelle danse française en travaillant auprès des nombreux chorégraphes dont Josette Baïz, Dominique Brun, Jean Pomarès, Quentin Rouiller puis Alain Buffard, Odile Duboc, le quatuor Albrecht Knust, Thierry Thieû Niang et les metteurs en scène Robert Wilson et Robert Carsen.
Questionnant la validation des savoirs et afin d’enrichir sa somathèque, Cécile Proust lauréate de la bourse Romain Rolland et de la Villa Kujoyama, effectue plusieurs séjours en Inde et au Japon. Elle pratique le Kathak à Delhi, le Jiuta Maï à Kyoto, les danses Raqs Sharqi et Baladi au Caire et le flamenco à Madrid.

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